Quelques pas, et déjà le froid s’exprime sur mon visage. Il montre sa présence. C’est lui qui domine. Mon bonnet et mes vêtements font un peu rempart, mais ma peau abdique.
Je mobilise les forces de mon corps.
1er retour à l’essentiel. Mon mental perd sa puissance face aux sensations de mon corps. J’éprouve les piqûres de l’air glacial, je ressens l’effort pour marcher plus vite et me réchauffer et toutes mes pensées , mes préoccupations, mes soucis passent au second plan. Seul compte la « survie » à cet instant.
Je repense à tous ceux qui ont dû braver la rigueur glaciale dans des temps où nous vivions avec moins de confort. Les pensées persistantes sont elles un problème de notre société, malade de ne plus connaître son corps, malade de ne plus savoir écouter leurs sensations?
Je me souviens d'un film « Les Chemins de la Liberté ». Pendant la dernière guerre , quelques hommes s’échappent d’un goulag en Sibérie dans le froid intense de la toundra. Ils parcourront 10000km dans des espaces sauvages pour rejoindre l'Inde.
Je me sens bien fragile face à cet exploit. Mon corps aurait-il pu supporter ? Ma volonté aurait-elle pu suivre ? Je ne saurai jamais et en même temps, je n’ai pas vraiment envie de le savoir.
L’essentiel !
Je me fonds à la nature, j’entre en elle comme le froid s'insinue en moi. La nature semble immobile, prise par le gel et la saison qui va durer encore un peu.
Se pose-t-elle des questions ? Non. Elle suit le rythme des cycles. Sans attendre de résultats, sans fixer d’objectifs. Juste être, vivre et ressentir.
Tiens ! Et si j’allais rencontrer un arbre ?
Un bouleau m’attire. Je m’appuie contre lui. Je n’éprouve rien de particulier, mais j’ai moins froid. J’essaye d'entendre sa respiration. Rien. Ce ne sera pas pour aujourd’hui… peut-être que quelques pensées parasites empêchent l’échange. Je reste encore quelques instants.
Un merle juste à côté, fouille les feuilles pour trouver une maigre nourriture.
En repartant, j’écoute mon corps et je ressens de la vitalité dans mes jambes. Plus de légèreté. Je me sens plus ouverte, et mon œil est attiré vers des feuilles mortes givrées au sol.
Le bouleau m’a fait un cadeau : une plume de délicatesse.
J’aurais pu rester chez moi et entreprendre tout que j’ai à faire. Monde malade de faire…
Je repense à notre confort de vie qui nous permet de vivre plus longuement. Mais sommes nous plus heureux, plus joyeux que les civilisations anciennes ou les peuples racines qui passent du temps à chercher de l’eau, se chauffer, se nourrir ? Nous possédons tout, et nous crevons de perte de sens et de mal être mental. Nous avons abandonné le lien, à nous même, aux autres, dans notre individualité égocentrique.
L’essentiel. Mon essentiel réside dans la connexion à la nature, car elle est notre origine et notre fin.